EMDR: Soigner des traumatismes par les yeux
Imaginez une technique qui vous permettrait de vous débarrasser des émotions négatives liées à de mauvais souvenirs juste en bougeant les yeux de gauche à droite. C’est, de manière très simplifiée, ce que propose l’EMDR.
Venue tout droit des Etats-Unis, l’EMDR est une technique thérapeutique inventée il y a seulement une trentaine d’années. Ses initiales signifient “Eye Movement Desensitization and Reprocessing”, que l’on peut traduire par “désensibilisation et retraitement, ou reprogrammation, par des mouvements oculaires”. Mais concrètement, qu’est-ce que tout cela veut dire?
L’EMDR part du principe que, au même titre que le corps, l’esprit est capable de se soigner lui-même. C’est d’ailleurs ce qu’il fait dans la plupart des cas. En effet, lorsque nous ressentons une émotion, notre cerveau procède à son analyse directement après. Cela nous permet de nous remettre assez rapidement de nos émotions et de ne pas les ressentir aussi vivement à chaque fois que nous repensons à l’événement qui les a fait surgir.
Cependant, lors de certains événements, le cerveau, dépassé par la situation, ne parvient pas à traiter et digérer l’information de la même manière que d’habitude. Cela arrive notamment lorsque l’événement est trop fort, trop violent, ou qu’il a lieu lors d’un moment de vulnérabilité, et que l’émotion que l’on vit est trop intense. Comme un morceau de nourriture que l’on n’aurait pas mâché suffisamment avant d’essayer de l’avaler, l’événement et les émotions qui y sont liées nous restent alors en travers de la gorge. Au lieu de continuer leur chemin habituel, ils restent bloqués à un certain endroit de notre cerveau, comme des informations qui doivent encore être analysées… sauf que le cerveau a oublié qu’il devait les traiter.
Résultat: dès que l’on fait face, dans notre vie quotidienne, à un rappel de l’événement traumatisant, sous quelque forme que ce soit, nous sommes transportés au moment-même de l’événement. Nous le revivons alors comme si nous y étions, en faisant face aux mêmes sensations désagréables que nous avions ressenties auparavant.
Pour mettre fin à cette situation, il faut réactiver le processus de traitement de l’information réalisé par notre cerveau, comme lorsque nous rafraichissons une page internet qui n’arrive pas à se charger entièrement.
Pour cela, l’EMDR fait appel à une stimulation sensorielle simple basée sur un mouvement répété de droite à gauche. Au début, il s’agissait uniquement de mouvements oculaires: en bougeant les yeux plusieurs fois de droite à gauche, nous arrivions simplement à débloquer notre cerveau pour qu’il reprenne son travail. Aujourd’hui, ces simulations peuvent prendre différentes formes. Outre les yeux, il peut s’agir de stimuli auditifs ou tactiles. Ce qui reste constant, c’est le mouvement continu d’un côté à l’autre.
De prime abord, cette technique peut paraître surnaturelle ou sortie d’un livre de sorcellerie. Et pourtant, elle a fait l’objet de nombreuses études depuis sa création et est maintenant reconnue par plusieurs instances, dont l’OMS. En France, elle est recommandée par l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Elle a d’ailleurs été utilisée auprès de nombreuses personnes rescapées des attentats de novembre 2015 à Paris.
Bienfaits de l’EMDR
L’EMDR est principalement connue et utilisée pour traiter le syndrome de stress post-traumatique, peu importe l’origine du stress en question. Ainsi, elle peut être utilisée auprès des anciens combattants ou après un attentat ou un abus sexuel, mais elle est aussi efficace après une catastrophe naturelle ou un accident, ou encore à la suite d’un décès ou d’un divorce. La gravité de l’événement peut varier objectivement. Ce qui importe, c’est la façon dont la personne vit le souvenir de cet événement. Si elle en est ressortie traumatisée et si la souffrance se fait pesante à chaque évocation de l’événement, l’EMDR peut entrer en action.
Outre cela, le champ d’action de cette technique thérapeutique tend à s’étendre au fil des ans et des recherches, bien que des études supplémentaires sont souvent nécessaires pour prouver entièrement l’efficacité de ces nouvelles utilisations. Aujourd’hui, l’EMDR est donc de plus en plus utilisée pour lutter contre les phobies, la dépression, les troubles du comportement alimentaire ou encore les addictions telles que la toxicomanie. Dans un autre registre, on peut faire appel à l’EMDR pour retrouver ou augmenter sa confiance et son estime de soi.
Dans tous les cas, la présence d’un traumatisme à l’origine du problème à traiter est nécessaire pour que ce dernier puisse être soigné par l’EMDR. Cependant, il est important de noter que l’EMDR n’a pas pour objectif d’effacer entièrement un souvenir de notre mémoire. Elle vise plutôt à diminuer, voire effacer, les émotions négatives qui y sont liées. L’événement est replacé dans le passé, où il a sa place, et il n’a donc plus d’emprise sur notre présent. On peut alors y repenser de manière plus sereine car l’on n’en ressent plus les émotions de manière aussi vive qu’avant. En d’autres termes, la souffrance liée au souvenir est apaisée.
L’EMDR s’adresse aux personnes de tout âge, des plus jeunes aux plus âgées. Cependant, les jeunes enfants doivent être accompagnés d’un parent pendant les séances. Notez également que l’EMDR est déconseillée en cas d’états suicidaires ou de pathologies psychotiques.
L’EMDR en pratique
Tout traitement EMDR commence par une ou plusieurs séances préparatoires. Cet entretien préliminaire a d’abord pour but d’établir une relation de confiance entre le thérapeute et le patient. Le thérapeute profite aussi de cette première introduction pour mieux connaître son patient et identifier le problème à traiter. De plus, avant de débuter le traitement en tant que tel, il demande au patient d’évaluer l’impact émotionnel du souvenir qui le traumatise. Cette évaluation servira de base pour noter l’évolution au cours des séances suivantes.
Lors des séances d’EMDR en tant que telles, le patient est amené à se concentrer sur l’événement traumatisant et les émotions qu’il a ressenties lors de cet événement. Pendant ce temps-là, le praticien effectue plusieurs séries courtes de stimulations bilatérales sur le patient, toujours en effectuant des mouvements de droite à gauche et de gauche à droite. Il peut s’agir d’un point visuel que le patient doit suivre des yeux ou de stimulations sensorielles ou sonores. Généralement, le praticien décide de la méthode à utiliser en fonction du patient. En effet, nous ne fonctionnons pas tous de la même façon et nous réagissons donc parfois mieux à certains stimuli que d’autres.
Entre chaque série, le thérapeute demande généralement au patient de lui dire ce qui lui vient à l’esprit et de lui parler des émotions ressenties. Au cours des séries, celles-ci se feront de moins en moins fortes. Selon le trouble à soigner, il faut parfois réaliser plusieurs séances pour soulager un seul traumatisme.
En tout, une séance d’EMDR dure entre 1h et 1h30 et il faut en moyenne 5 à 10 séances pour guérir et soulager un traumatisme.
Evidemment, il est important de bien choisir son thérapeute pour être sûrs d’obtenir le meilleur accompagnement au cours des séances, mais aussi pour garantir leur efficacité. Deux conditions sont requises pour être thérapeute EMDR. D’abord, il faut être psychiatre, psychologue ou psychothérapeute. Ensuite, il faut avoir suivi une formation EMDR officiellement reconnue. Vous trouverez un annuaire de tous les praticiens certifiés en France sur le site de l’association EMDR France.
Origines de l’EMDR
Il a suffi d’une simple promenade pour que l’EMDR naisse dans l’esprit de sa créatrice. C’était en 1987. Francine Shapiro, psychologue et psychothérapeute américaine, se promenait lorsqu’elle a réalisé que, lorsqu’elle faisait de rapides mouvements de droite à gauche avec ses yeux, ses pensées négatives disparaissaient.
Elle a ensuite testé sa nouvelle découverte sur elle-même, puis auprès de ses collègues et, enfin, sur plusieurs patients, jusqu’à officiellement mettre sur pied l’EMDR. Il a fallu de nombreuses années et beaucoup de recherches scientifiques sur la question pour que sa méthode simple et innovante finisse par être acceptée par le monde scientifique. Entretemps, Francine Shapiro est devenue chercheuse au Mental Research Institute de Palo Alto et a obtenu plusieurs prix dans son domaine.
A propos de l’auteur
Diplômée de l’Ecole de Journalisme de Louvain, Léonor Rogister s’est détournée du monde de l’actualité quotidienne pour s’intéresser aux news lifestyle. Amoureuse de la nourriture et des bonheurs simples, elle aime s’informer et informer sur tout ce qui touche au bien-être, peu importe la forme qu’il prend.
Léonor est expatriée depuis 2015 et a fait de plusieurs pays sa maison. Quand elle n’est pas en train de voyager, elle aime profiter du confort de son chez soi. Elle tient également un blog depuis des années sur lequel elle partage sa passion pour les voyages.